L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est marquée par la colonisation française datant du XIXe siècle, qui a profondément transformé la société kanake autochtone. « Les Kanaks ont été exclus du droit de vote en Kanaky pendant près de 60 ans. En 1945, le gouverneur Jacques Tallec fut à l’origine du premier gel du corps électoral calédonien empêchant l’inscription des Kanaks. Il a fallu attendre 1957 pour que l’Assemblée territoriale représente véritablement l’ensemble de la population. Avant que la circulaire Messmer de 1972 vol au peuple kanak sa majorité et sa légitimité démocratique », rappelle Robert Xowie, sénateur CRCE Kanaky de Nouvelle-Calédonie.
Depuis les années 1980, les revendications indépendantistes kanakes ont gagné en intensité. Après une décennie de violences, dont l’assaut militaire de la grotte d’Ouvéa pour libérer des gendarmes prise en otage fait 25 morts en mai 1988, les Accords de Matignon (1988) puis l’Accord de Nouméa (1998) permette le retour du dialogue. Ces accords visaient à apaiser les tensions en prévoyant un transfert progressif de compétences et des référendums d’autodétermination.
Pourquoi la situation s’est tendue
Un des points les plus sensibles est la modification du corps électoral. Initialement, seuls les résidents de longue date (avant 1998) pouvaient participer aux référendums, assurant ainsi une représentativité des populations autochtones. Le projet de loi constitutionnelle prévoit d’ouvrir le vote aux prochaines élections provinciales à tous les citoyens qui résident en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans (soit 25 000 électeurs de plus). Par la voix du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le gouvernement a choisi d’avancer à marche forcée ce qui a mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie.
Le gel du corps électoral est « Une décision prise à l’époque dans le cadre du processus de décolonisation afin d’atténuer le poids du peuplement récent et de permettre aux Kanaks de peser dans les décisions politiques « , rappelle la journaliste de Médiapart Ellen Salvi. « Le projet de loi remet en cause le processus de décolonisation issu des accords Nouméa en actant le dégel du corps électoral », souligne Céline Cukierman présidente du groupe CRCE Kanaky au Sénat, de retour d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie début mai.
Quelle issue ?
Plutôt que de décréter l’État d’urgence comme le fait Emmanuel Macron, « Le retrait du projet de loi est le seul acte pour permettre l’apaisement et la reprise du dialogue », appelle Céline Cukierman. « Comment ne pas constater que votre jusqu’au-boutisme a plongé la Nouvelle-Calédonie dans une crise profonde ? déplore la sénatrice communiste de la Loire en interpellant le Premier ministre. C’est une faute lourde, démocratique d’avoir recours à l’Etat d’urgence. »