Pourquoi l’héritage des Jeux doit être territorial

Fillettes à l'entraînement sur un terrain de football

• Par Philippe Rio, maire de Grigny et président de la Coop

Les exploits de Léon Marchand, nos équipes de France masculine et féminine de basketball qui échouent à quelques paniers de la médaille d’or face à l’ogre américain, la longévité hors-norme de Teddy Riner parmi les demi-dieux de l’Olympisme… mais aussi les pleurs et les sourires de l’ensemble de nos athlètes ont jeté une lueur de fierté, de joie et d’union nationale dans les yeux des Françaises et des Français.

Parce qu’il faut bâtir une nation sportive dans la durée

L’euphorie bienveillante des Jeux Olympiques passés et les Jeux Paralympiques s’approchant, nous sommes, à présent, face à nos réalités territoriales. Serons-nous capables d’accueillir et fidéliser dans les clubs les nouveaux pratiquants d’une rentrée sportive 2024 qui s’annonce hors norme et exceptionnelle ? L’heure du réveil pour bâtir, dans la durée, une nation sportive est ainsi venue. Profitons tous ensemble de cet élan olympique !

Dans nos villes et nos villages, nos clubs sportifs font des miracles avec des bouts de ficelle, ou presque. Ils s’appuient sur des bénévoles, des dirigeants de clubs, des éducatrices et éducateurs qui ne comptent pas leurs heures pour encadrer nos jeunes sur les terrains de sport, organiser les déplacements et les transports le week-end et réaliser des démarches administratives parfois sans fin. Le classement de la France dans le Top 5 du tableau des médailles des Jeux de Paris est la plus belle des récompenses pour ces bataillons de volontaires du quotidien et de la proximité, ces héros de l’ombre du monde sportif. Lorsqu’ils atteignent les sommets, nos sportifs de haut niveau ne s’y trompent jamais en remerciant celles et ceux avec qui ils ont posé la première pierre à l’édifice de leur parcours sportif.

Parce que les communes assument seules le financement du sport

Aux côtes de ces « volontaires » dont notre pays doit enfin améliorer le statut, nos communes – premières financeuses du sport français – sont bien souvent seules, parmi les pouvoirs publics, pour les accompagner dans leur développement et leur donner les équipements sportifs dont ils ont besoin.

Or, dans nos villes populaires notamment, nous connaissons plus que n’importe où ailleurs les vertus du sport. Celles qui remettent dans le droit chemin et éloignent des sentiers obscurs, dans un monde sportif qui doit être définitivement débarrassé du racisme, du dopage et des violences sexistes et sexuelles. Le sport, c’est la santé et le bien-être mais c’est aussi un extraordinaire outil de performance sociale et éducative. Le président de la République a annoncé pour le 14 septembre prochain des mesures d’héritage. Derrière ce mot, des actes forts doivent être posés. Nous devons nationalement surfer sur la vague olympique pour revoir nos politiques publiques.

Parce qu’il faut rénover nos équipements et former nos professionnels

Pour insuffler cette culture sportive, cela pourrait commencer par plus d’activité physique et sportive dans les écoles, les collèges et les lycées, avec 4 heures d’EPS par semaine, sans oublier de multiplier par 2 le nombre de classes sport-études mais également en mettant en place des expérimentations locales de classes d’excellence sportive, entre des territoires et l’Éducation Nationale.

Au lendemain des Jeux Olympiques, il y a également nécessité de faire passer à un 1 % le budget de l’État consacré au sport au lieu de 0,2 % actuellement. C’est une urgence pour 61 % des 272 000 équipements sportifs du pays qui souffrent de vétusté et qui sont bien souvent inadaptés au changement climatique. (1) En lançant la construction de 5 000 équipements sportifs (2) pour la période 2024-2026, un pas important a été fait, avec l’Agence Nationale du Sport, mais qui demande à être étendu jusqu’en 2028 et renforcé pour les piscines.

S’agissant de la formation et de l’emploi sportif, portons sans plus attendre les emplois socio sportifs nouvellement créés de 1 000 (3) à 10 000. Par une concertation entre l’Éducation Nationale, les fédérations sportives mais aussi les milieux de la formation professionnelle, un plan national territorialité avec des objectifs précis doit pouvoir être bâti pour former plus d’acteurs du monde du sport. Pour nos clubs, l’aide au fonctionnement doit être renforcé. Le droit et l’accès au sport passent par le maintien du Pass’Sport et son doublement de 50 à 100 euros. Ce serait une prime olympique pour l’ensemble de nos clubs à qui l’on doit une pluie de médailles.

Parce qu’il faut une stratégie territoriale

Quant à l’échelle locale et intercommunale, nous devons rendre obligatoire un plan sportif territorial, véritable schéma directeur d’objectifs et de moyens, avec une approche transversale qui fait écosystème. Sur le modèle des Cités Éducatives qui sont pilotées localement et qui créent un continuum entre et en dehors des murs de l’école, l’expérimentation de Cités Olympiques pourrait créer une nouvelle alliance sportive entre les collectivités, le mouvement associatif, les fédérations, le sport scolaire et le tissu économique local. Et cet écosystème local à fort impact éducatif et social pourrait s’appuyer sur la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts et Consignations qui deviendrait la banque de l’Héritage 2024. En tant que financeurs des territoires, elle financerait des équipements publics, de l’urbanité sportive et des réhabilitations construites sur une stratégie de développement local.

Du pied des tours et dans les bourgs, du littoral aux montagnes, du territoire métropolitain jusqu’à Tahiti et Pointe-à-Pitre, notre pays est à la croisée des chemins. Le sport a permis de réconcilier un temps notre pays fracturé. Il est apparu comme une des clés pour réparer pour l’avenir. Engouement, ferveur, engagement, joie, persévérance, travail, amitié autant de mots à insuffler jour après jour dans notre pays ! C’est aussi cela l’héritage : la transmission grâce au sport d’un parfum d’exceptionnel au quotidien. En un mot, à l’instar de l’exception culturelle française, inventons une exception sportive !

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