Faut-il encore prouver que la rénovation urbaine est nécessaire ? Personne ne conteste aujourd’hui son impact sur les quartiers populaires. Mais la question essentielle demeure : comment la penser pour qu’elle réduise réellement les inégalités et améliore durablement la vie des habitant·e·s ? Dans une tribune publiée sur La Tribune le 16 mars 2025, Philippe Rio, président de la Coopérative des élu·e·s communistes, appelle à réinventer la rénovation urbaine. Alors que l’ANRU 3 se profile, il insiste sur la nécessité de mettre l’urbain et l’humain au même niveau, pour transformer la vie des habitants autant que leur cadre de vie.
Avec la publication des rapports Ensemble, « Refaire la ville » de Delorme, Mialot, Van Styvendael et « Réussite Républicaine » de Vincent Léna, la question urbaine est replacée au cœur des enjeux sociaux. Le message est clair : « Ne nous contentons pas de transformer la ville, ayons l’ambition de transformer la vie des habitants des quartiers populaires ! « . Depuis plus de vingt ans, l’ANRU a modifié le paysage des quartiers populaires en France, en rénovant logements et infrastructures. À Grigny, où 44 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, les ANRU 1 et 2 ont désenclavé des quartiers comme la Grande Borne, améliorant l’accessibilité et la qualité de vie. Mais ces évolutions restent insuffisantes face aux fractures sociales et éducatives. Philippe Rio souligne que « la pauvreté ne se combat pas uniquement à coups de pelleteuses et de grues », dénonçant une approche trop centrée sur le bâti. Il appelle à un ANRU 3 qui ne soit pas seulement un programme d’aménagement, mais un projet global de justice sociale.
Des quartiers populaires, moteurs de solutions
Contrairement à une vision qui les réduit à des territoires à problème, les quartiers populaires sont des espaces d’innovation sociale. Le rapport de Vincent Léna le souligne : « Les quartiers populaires sont aussi le lieu des solutions, qui s’élaborent et se mettent en œuvre depuis plus de 40 ans ». L’exemple de Grigny illustre cette capacité d’expérimentation. Dès 2013, la ville est devenue une cité éducative pilote, mobilisant divers acteurs pour garantir un parcours scolaire sécurisé aux jeunes. En 2023, elle a été reconnue “Territoire Zéro Non-Recours”, un dispositif visant à lutter contre le non-recours aux droits sociaux pour les familles monoparentales, les seniors et les travailleurs pauvres.
Un ANRU 3 à la hauteur des défis sociaux et climatiques
Pour lutter contre la ségrégation socio-spatiale, l’ANRU 3 ne peut se contenter d’être un simple programme de rénovation urbaine. Philippe Rio plaide pour une rénovation urbaine 3.0, articulée autour de trois axes essentiels :
- Justice sociale : un engagement fort contre les inégalités d’accès aux services, à l’éducation et à l’emploi.
- Transition écologique : adapter les villes au changement climatique, en développant les mobilités durables, la rénovation énergétique et la végétalisation.
- Reconquête des services publics : réinvestir dans les soins, l’éducation et les transports, en réaffirmant la présence de l’État et des collectivités locales.
Loin de se limiter à un chantier d’aménagement, la rénovation urbaine doit être un levier pour rétablir l’égalité républicaine. « Pour faire République ensemble, nous refusons toutes formes de ségrégation urbaine et spatiale des quartiers, mais de séparatisme, y compris des plus riches ! », insiste Philippe Rio. Et d’appeler l’État à un véritable engagement, pour que l’ANRU 3 soit une transformation durable, au service des habitants et non des seules logiques d’aménagement.